« J’ai trompé ma compagne, mon compagnon, est-ce que ça veut dire que je ne l’aime
plus ? »
Pour nombre d’entre nous, le mot « tromper » signifie avoir une relation sexuelle à
l’extérieur de son propre couple.
Il peut arriver que nous nous sentions attiré.e physiquement et ou mentalement par une
autre personne que son ou sa partenaire habituel.le et même que nous tombions
amoureux.e. Les sentiments qui nous lient à notre partenaire habituel.le depuis des années
ont perdu de leur intensité passionnelle et se sont transformés en un attachement amour-
ami agréable, voire harmonieux mais qui n’a plus rien à voir avec la passion du début de la
relation. Cette situation est difficile parce que l’amour dans la durée est exigeant alors que tomber
amoureux.se n’exige pas d’effort et c’est à la portée de n’importe qui, n’importe quand,
n’importe où.
On a tendance à comparer les sentiments en termes de « plus » et de « moins », à préférer la
personne qui nous attire le plus fort, le plus fusionnel, le plus passionnel. Le choix est délicat
entre faire le deuil d’une relation de couple de longue durée un peu plan-plan, et une
rencontre amoureuse passionnante. Ces deux sortes d’amour ne sont pas de même nature
mais ils portent le même nom: amour, d’où l’erreur, la confusion, l’amalgame.
Si on devait changer de partenaire chaque fois que quelqu’un.e nous plaît, nous vivrions un
éternel recommencement conjugal …
Notre meilleur allié dans une telle situation est le temps, le temps qui passe. Ne nous
torturons pas uniquement dans le choix d’une personne. Nous avons besoin de nous laisser
le temps de réfléchir à notre propre chemin de vie. Qu’est-ce que je veux pour moi demain ?
Quels sont mes projets en dehors du relationnel de couple ? Revenons à « l’égoïsme positif »
de Platon : prendre soin de soi. Qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? sachant que, quel que
soit l’objet de ma nouvelle rencontre, la passion amoureuse ne durera pas. Il est difficile de
choisir entre une personne avec laquelle je vis depuis des années et une personne avec
laquelle je ne peux pas deviner quel serait notre avenir.
Et pour répondre enfin plus directement à la première question : « Non, aimer ailleurs ne
veut pas toujours dire que je n’aime plus mon ou ma partenaire. » Ce n’est pas le même
amour, c’est toute la complexité de la situation.
Cette réflexion ne mérite-t-elle pas qu’on s’y arrête un moment pour éviter de se tromper soi-même?
Cela dépend d’abord de ce qu’on entend par « amour ». Je parlerais plutôt d’une relation de couple faite d’estime, de complicité, de connivence, de préférence, une relation dans laquelle la passion amoureuse fusionnelle n’est plus aussi intense, mais a laissé des traces d’admiration réciproque, d’attentions respectueuses, de curiosité du devenir de chacun·e, une sorte d’amitié amoureuse .
Cette volonté raisonnée de construire une vie en couple qui nous convient a pour seul et unique moteur l’intelligence du sentiment affectif. Si passion amoureuse et raison ne sont pas compatibles, amitié amoureuse et raison peuvent l’être parfaitement. Elles guident le « contrat post-passion ».
Être raisonnable dans le couple, c’est accepter de faire son chemin à côté d’une personne qui ne nous convient pas en totalité — la personne qui nous conviendrait en totalité n’existe pas — et ne jamais la laisser entraver notre propre chemin d’évolution.
L’amitié amoureuse est pour moi la définition de l’amour dans la continuité : l’alliance et la mise en scène de la fantaisie et de la raison sur la scène de théâtre du couple.
« Heureux les amoureux, quel que soit leur sexe, lorsqu’ils deviennent amis et restent amants ! » André Comte Sponville.