Pendant des millénaires
de la vie humaine sur terre, le lien entre le regard et le désir sexuel chez le mâle est une évidence. L’homme regarde, la femme est regardée. Le regard de l’homme hétérosexuel sur le corps de la femme a ceci de spécifique qu’il est involontaire, inné, programmé dans le « disque dur » génétique du mâle humain pour favoriser la reproduction de l’espèce. Ses répercussions sont difficilement contrôlables et très largement sous-estimées. (les yeux du loup de Tex Avery). Mais dans les discours intellectuels contemporains, il est farouchement nié, refoulé, parce qu’il implique l’existence d’un lien puissant entre la séduction et la reproduction.
Aujourd’hui,
aucune société humaine ne s’est trouvée empêtrée dans une contradiction aussi inextricable que la nôtre, qui nie tranquillement la différence des sexes tout en l’exacerbant à travers les industries de la beauté et de la pornographie.
La nature a inventé la passion, la culture a inventé le couple. Au-delà de la passion fusionnelle de la rencontre amoureuse, après quelques mois, quelques années de vie commune, la sexualité est toujours considérée comme fonction centrale qui conditionnerait l’équilibre conjugal. Comme si couple dans la durée et sexualité étaient concomitants. Cette croyance provoque bien des désagréments.
A l’encontre de la majorité de nos comportements sexuels dans le couple qui dure, la sexualité devrait être le fruit d’un choix ressenti et exprimé par les deux partenaires et non un acte obligé ou systématique. Mais une sexualité humaine élevée au rang d’un art : l’érotisme. Une sculpture de la sensualité : la balade érotique.
A suivre …
Je dis ton nom “infidélité” !!!
L’injonction d’exclusivité sexuelle est renforcée par les effets de la spontanéité de la rencontre
amoureuse : la fusion des sentiments et des émotions procure une certitude : « Ça ne s’arrêtera
jamais, on s’aimera toujours aussi fort », l’illusion d’une fidélité naturelle qui durerait toute la vie et
qui ne demanderait aucun effort.
En érigeant l’exclusivité sexuelle en condition absolue de la cohésion du couple, on a instauré
une “dictature de la fidélité”, qui est en bonne partie responsable de l’immense décalage entre
l’acte d’infidélité, peu significatif au fond quant à la qualité du lien du couple, et ses
conséquences: souffrance du couple amoureusement amical, surveillance, espionnage,
malveillance, vengeance, médisance, enfants “pris en otages”, désordres familiaux collatéraux,
violences allant jusqu’au crime. Un véritable effet papillon !!!
Pourquoi tant de haine contre notre nature ?
La fidélité sexuelle est-elle obligatoire ?
Dans la nature, chez la plupart des animaux, il n’y a pas d’exclusivité sexuelle sauf rares
exceptions. Le seul impératif est la survie de l’espèce. Le mâle est programmé pour féconder
plusieurs femelles et la femelle est programmée pour être fécondée par plusieurs mâles. On ne
sait pas qui est le père du petit à naître.
L’homme a inventé et installé l’exclusivité sexuelle, la fidélité, pour un souci de paternité.
« Je veux être sûr que ce fils soit de moi » . L’homme naturellement polygyne et la femme
naturellement polyandre se voient dans l’obligation de refreiner leur pulsion animale pour rester
fidèles dans leur couple. La fidélité sexuelle n’est pas une évidence naturelle mais un gage de
moralité envers la société et au nom de l’amour.
On peut néanmoins être fidèle par choix, par souci d’honnêteté conjugale ou de sécurité,
de tranquillité, de respect de la loi.
Ou bien , tout simplement et amoureusement : « Je n’ai pas envie de toucher un autre corps que le tien ».
L’incertitude amoureuse
« J’ai trompé ma compagne, mon compagnon, est-ce que ça veut dire que je ne l’aime
plus ? »
Pour nombre d’entre nous, le mot « tromper » signifie avoir une relation sexuelle à
l’extérieur de son propre couple.
Il peut arriver que nous nous sentions attiré.e physiquement et ou mentalement par une
autre personne que son ou sa partenaire habituel.le et même que nous tombions
amoureux.e. Les sentiments qui nous lient à notre partenaire habituel.le depuis des années
ont perdu de leur intensité passionnelle et se sont transformés en un attachement amour-
ami agréable, voire harmonieux mais qui n’a plus rien à voir avec la passion du début de la
relation. Cette situation est difficile parce que l’amour dans la durée est exigeant alors que tomber
amoureux.se n’exige pas d’effort et c’est à la portée de n’importe qui, n’importe quand,
n’importe où.
On a tendance à comparer les sentiments en termes de « plus » et de « moins », à préférer la
personne qui nous attire le plus fort, le plus fusionnel, le plus passionnel. Le choix est délicat
entre faire le deuil d’une relation de couple de longue durée un peu plan-plan, et une
rencontre amoureuse passionnante. Ces deux sortes d’amour ne sont pas de même nature
mais ils portent le même nom: amour, d’où l’erreur, la confusion, l’amalgame.
Si on devait changer de partenaire chaque fois que quelqu’un.e nous plaît, nous vivrions un
éternel recommencement conjugal …
Notre meilleur allié dans une telle situation est le temps, le temps qui passe. Ne nous
torturons pas uniquement dans le choix d’une personne. Nous avons besoin de nous laisser
le temps de réfléchir à notre propre chemin de vie. Qu’est-ce que je veux pour moi demain ?
Quels sont mes projets en dehors du relationnel de couple ? Revenons à « l’égoïsme positif »
de Platon : prendre soin de soi. Qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? sachant que, quel que
soit l’objet de ma nouvelle rencontre, la passion amoureuse ne durera pas. Il est difficile de
choisir entre une personne avec laquelle je vis depuis des années et une personne avec
laquelle je ne peux pas deviner quel serait notre avenir.
Et pour répondre enfin plus directement à la première question : « Non, aimer ailleurs ne
veut pas toujours dire que je n’aime plus mon ou ma partenaire. » Ce n’est pas le même
amour, c’est toute la complexité de la situation.
Cette réflexion ne mérite-t-elle pas qu’on s’y arrête un moment pour éviter de se tromper soi-même?
Je ne sais pas …
« Je veux savoir où je vais ! »… « Je veux savoir de quoi demain sera fait ! » … « Je veux savoir si demain nous serons encore ensemble » …« Je veux tout savoir de toi. »… « Je veux connaître ton passé, ta famille, tes amours, tes deuils et tous tes secrets. Je veux connaître tout ce que tu vis aujourd’hui, tes sentiments, ce que tu penses de moi, tes amis-es, ton travail »… « Je ne peux rien attendre de toi si je ne sais pas tout de toi »… « Je ne veux pas que tu tombes du piédestal où je t’ai hissé-e quand nous nous sommes rencontrés, j’ai peur de tomber avec toi »…
Affectivement nous attendons de la vie de couple un immobilisme absolu, une passion amoureuse figée pour toujours, une évolution individuelle zéro, et que ça dure toute la vie. Véritable totalitarisme affectif et relationnel. Le couple est le lieu de deux extrêmes : tout savoir de l’autre et si ce n’est pas le cas, ne plus rien vouloir de l’autre et se séparer.
Ors nous n’avons aucun pouvoir sur la durée de la passion amoureuse, pas plus que sur la durée de notre vie. « Car toute vie est une aventure incertaine : nous ne savons pas à l’avance ce que seront notre vie professionnelle, notre santé, nos amours, ni quand adviendra, bien qu’elle soit certaine, notre mort. » Edgard Morin.
Dire « je ne sais pas » est considéré comme une faiblesse, paria de l’évolution et de la connaissance. Cette expression n’a pas droit de cité dans notre société qui vit à « flux tendu » et encore moins dans notre vie de couple sauf à la considérer comme un handicap voire un échec. A contrario, la « championnite », épidémie causée par le virus EATP (efficacité à tout prix) , régne en despote dans les quatre fonctions du couple : amant, ami, conjugal et parental.
Que ferions-nous sans ce « je ne sais pas » ? Que pourrions-nous inventer sans la conscience de notre propre ignorance ? Mettre en commun nos incertitudes plutôt que nos certitudes nous rendrait encore plus solidaires dans le couple. Oser dire « Je ne sais pas, et toi ? » ouvrirait sur une curiosité échangée, riche de propositions et de rebondissements. Le savons-nous ?
Faire l’amour, partage ou contrainte
À ceux et celles qui pensent que le lit commun favorise l’équilibre et l’entente dans le
couple, à celui ou celle qui attend avec impatience le moment de se coucher pour faire
l’amour, à celui ou celle qui redoute le moment de se coucher par peur de devoir faire
l’amour : de quel « faire l’amour » parle-t-on et de quelle sexualité s’agit-il ?
Le lit commun invite-t-il à l’assouvissement d’un besoin sexuel souvent univoque ou à
l’aboutissement d’un échange tendre et sensuel ?
Situation la plus fréquente :
Elle : « On est bien au lit, au chaud tous les deux, c’est bien, parce que j’ai toujours froid aux
pieds »
Lui : « Si elle se colle contre moi, je vais très vite avoir envie d’elle »
La proximité physique provoque chez la plupart des hommes un besoin et un désir de
rapprochement sexuel, désir naturel, physiologiquement spontané. Pour elle, le désir ne
sera pas instantané. La chaleur et l’intimité physique qui découlent de la proximité des deux
corps ne seront la plupart du temps pas suffisantes pour provoquer son désir.
Il reproche à sa compagne de ne pas l’aimer autant que lui puisqu’ elle n’a pas envie de
faire l’amour. Il la soupçonne de « frigidité, d’indifférence ou d’infidélité ».
Elle reproche à son compagnon un manque de “romantisme”, attentions, délicatesse, gentillesse, tendresse … Elle le soupçonne d’être obsédé par la sexualité .
Je retrouve les mêmes situations chez un couple homosexuel. Ce qui veut dire que la différence de sexe n’est pas seule en cause mais tout simplement la différence de personne. La concomitance du désir sexuel n’existe qu’au moment de la rencontre amoureuse : c’est le désir magique. Cette spontanéité magique qui ne résistera pas à l’usure du temps, de la promiscuité et de la routine.
Pour beaucoup de couples, ce décalage des désirs est difficile à vivre parce que chacun.e croit
qu’ils ne s’aiment plus autant. Celui ou celle qui désirerait peu ou pas, n’aimerait plus ?
On confond bien souvent désir sexuel et amour ou affectivité.
On peut désirer faire l’amour avec quelqu’un sans pour autant porter de l’affection à cette
personne. On peut aussi porter de l’affection à une personne sans pour autant la désirer
sexuellement. Dans le couple dans la durée, si l’affectivité, la complicité, la solidarité,
l’amitié, sont au centre, la sexualité, elle, ne l’est pas.