Il s’agit encore d’un extrême : cela veut dire jouir à tout prix, quelle que soit la qualité de l’échange sexuel et sa durée. Encore une injonction, une pression mentale de notre temps, un cadeau empoisonné que nous offre notre époque, augmenté de l’utopie d’un bonheur sexuel flamboyant, renouvelable à souhait et à la portée de tous, n’importe quand et n’importe comment.
L’orgasmocratie signe et corrobore le désir de fusion et d’efficacité. La passion amoureuse transforme deux êtres foncièrement différents en deux clones sexuels nageant dans un bonheur fusionnel aussi intense que de courte durée et porteur d’illusions : nous jouirons chaque fois et même plusieurs fois et en même temps. C’est la « course à l’orgasme » qui nous rend dépendant·e·s de modèles tels que la pornographie, aux dépens de notre liberté et de notre autonomie.
De son côté, la sexualité que l’on nous présente comme désirable à grands coups de blockbusters et de publicités est humainement impossible.
L’orgasmocratie exige un masculin qui doit séduire, plaire, être doux, à la fois provocateur et respectueux. C’est lui seul ou presque qui doit être à l’origine de l’excitation du couple. On a mis sur les épaules de l’homme la responsabilité du plaisir du couple, c’est sans doute pour cette raison qu’il a les épaules larges ! Il doit deviner les effets de ses caresses sur une personne à qui l’on a appris à ne pas dévoiler ses émotions sexuelles.
Au féminin, elle doit être douce, tolérante à l’égard des exigences de son partenaire, à l’écoute de son amant, à la fois passive et excitante, excitée, mais pas trop pour ne pas choquer ou effrayer. Tiraillée dans son imaginaire entre le modèle de la vierge et celui de la putain, elle a l’obligation de jouir, de l’exprimer et d’en être redevable.
Il nous appartient de nous délivrer de cet engrenage des rôles sexués : pour les hommes, ne plus se réduire à être de bons techniciens, de bons ouvriers spécialisés du sexe. Devenir de vrais amants, hommes présents, habités de leur émotion, offrant leur désir et leur plaisir. Pour les femmes, chercher leur autonomie dans l’excitation et le plaisir, découvrir la jouissance, peu à peu, comme elles le souhaitent.
L’injonction de performance
L’injonction de performance se fait de plus en plus pressante au masculin comme au féminin.
Un de mes impatients ( les personnes et les couples que je reçois sont impatients de trouver une solution à leurs problèmes ), se plaignant de ne pas être « performant » me dit souffrir d’une « angoisse de normalité ». Pour lui, la normalité en matière de sexualité c’est la performance. Il faut être à la hauteur, avoir un désir sexuel spontané, réciproque, que l’on vienne de se rencontrer ou que le couple dure depuis 10 ans. Pour ma part, j’interprète son discours comme l’expression d’une « championnite » contemporaine dans ce domaine.
L’homme exige de lui-même une érection pénienne au garde à vous et qui dure le plus longtemps possible. Parallèlement, la femme exige d’elle-même une excitation et des réactions sexuelles quasi simultanées et équivalentes en intensité à celles de l’homme.
Ors, réactions sexuelles en chaîne et à fortiori simultanées ne sont pas compatibles avec nos différences.
Théoriquement tout le monde le reconnaît mais concrètement on agit comme si on ne le savait pas.
La recherche scientifique et pharmacologique favorisent la quête d’une activité sexuelle de compétition en faveur d’une sexualité mécanique. (facilitateurs de l’érection )
La lenteur, la sensualité, l’intuition des geste, n’ont pas leur place dans cette lutte pour une efficacité à tout prix et à tout épreuve: une « orgasmocratie » vaine et inhumaine.
Revenons plutôt à la « balade érotique » ( 3ème partie de mon essai: « A nous deux le couple! » ): se promener lentement dans l’érotisme… sans savoir où nous mène cette promenade sensuelle , seule pourvoyeuse de plaisir.
FeaturedL’incertitude amoureuse
« J’ai trompé ma compagne, est-ce que ça veut dire que je ne l’aime plus ? »
« J’ai trompé mon compagnon, est-ce que ça veut dire que je ne l’aime plus ? »
Pour ces personnes-là, le mot « tromper » signifie : avoir une relation sexuelle à l’extérieur de son propre couple.
Quand la personne se pose cette question, elle ressent encore un attachement pour le compagnon ou la compagne habituel.lle. Elle a peur de se tromper elle-même, peur de se tromper de partenaire.
Il peut arriver que nous nous sentions fortement attiré.e physiquement et ou intellectuellement par une personne autre que son ou sa partenaire. Les sentiments qui nous lient à notre partenaire habituel depuis des années ont perdu de leur intensité passionnelle et se sont transformés en attachement affectif amical-amoureux.
Cette situation est difficile parce que tomber amoureux.se est à la portée de n’importe qui alors que faire durer l’amour est plus difficile et c’est pour cela que le couple est difficile.
Entre une continuité difficile dans le couple et un coup de foudre, c’est tout vu ! On va préférer le coup de foudre et c’est naturel.
Le piège est de penser que tomber amoureux.se nous oblige à changer de partenaire.
On a tendance à comparer les sentiments en terme de « plus » et de « moins », à préférer la personne qui nous attire le plus fort, ce qui nous renvoi à un choix injuste et douloureux.
Dans la durée la passion va à nouveau s’atténuer et ce sera un éternel recommencement.
Notre meilleur allié dans une telle situation est le temps, le temps qui passe. Nous avons besoin de nous laisser le temps de réfléchir à notre propre chemin de vie. Ne pas se sentir obligé.e de choisir une personne plutôt qu’une autre (choix dangereux si ce n’est impossible) car elles ne sont pas comparables .
Nous côtoyons l’une depuis quelques années et l’autre depuis quelques jours.
Réfléchissons à ce que nous voulons vivre vraiment dans la durée avec telle ou telle personne.
Ce que nous voulons accomplir pour nous-même, quelle est la personne qui ne posera pas d’obstacle au chemin que l’on s’est dessiné et qui saura dessiner le sien à côté de moi.
Cette réflexion mérite qu’on s’y arrête pour éviter de se tromper soi-même.
Et pour répondre enfin plus directement aux deux premières questions : « Non, aimer ailleurs ne veut pas toujours dire que je n’aime plus mon ou ma partenaire. »
Featured« J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé »
J’ai très envie d’adapter cette citation de Voltaire, philosophe du XVIIIème siècle, au couple nouveau tel que je l’envisage. Réinventer le couple, faire de la vie de couple un « plus » et non un poids.
Expression novatrice qui était , hier encore, pour nombre d’entre nous, de l’ordre d’un idéal, d’un rêve, d’un avant-gardisme imaginaire. Les sciences humaines telles que la psychologie, la sociologie, l’anthropologie, la philosophie … utilisent ces expressions dans leurs analyses et leurs recherches.
Non, construire un couple nouveau et plus heureux n’est pas seulement le fruit de l’imagination de nos humanistes.
Construire ce couple-là est à notre portée à condition de ne pas être passéiste, pessimiste, défaitiste, ou atteint.e de je ne sais quelle « flemme de l’esprit ».
Depuis quelques années, une évolution évidente se dessine dans la demande de mes impatients.tes.
Exemples:
» Nous avons la soixantaine, nos enfants sont partis, nous avons décidé de ne pas nous séparer mais nous voulons tout changer… pour être mieux ensemble et individuellement. »
« Nous faisons notre devoir mais nous avons l’impression de nous sacrifier, nous ne voulons pas faire comme nos parents »
« Je me sens prisonnier.ère et esclave des habitudes, des idées reçues. »
Nous désirons choisir et construire notre avenir et choisir et construire l’avenir du couple.
C’est tout un remaniement à notre portée, à condition de remettre en question certaines valeurs du passé et de les remplacer par des nouvelles, choisies par nous deux.
La thérapie de couple, et je préfère les mots: médiation de couple, permet une ouverture vers cette reconstruction tant désirée et porteuse d’espoir. L’homme et la femme vont enfin se donner le pouvoir d’inventer une nouvelle façon de vivre ensemble et individuellement.
Ils acquièrent enfin la liberté de choix.
La séduction est partout et à tous les instants
La séduction a une fonction positive, y compris en dehors du couple : elle permet de nous assurer de notre capacité à séduire.
Paradoxalement, nous avons besoin du reste du monde pour exister et fabriquer une intimité.
Le désir mutuel dans le couple n’est pas suffisant pour combler toutes nos attentes.
La vie de couple est un choix qui n’exclut pas le reste du monde, mais l’intègre à notre capacité d’échanger.
Il est nécessaire, dès le début de la vie de couple, de déterminer ensemble la place que l’on donne au monde qui nous entoure.
Ne pas faire comme si la vie de couple était l’unique lieu de tous les espoirs et de tous les sacrifices.
La séduction à l’extérieur du couple favorise la séduction dans le couple car elle alimente une valorisation individuelle.
La soif de connaissances qui nous pousse vers les autres participera à l’enrichissement de l’intimité du couple.