Gardons le cap sur le couple. Parce que je crois que c’est lui qui nous sauvera. « Le couple est la civilisation minimale – le contraire de la guerre, l’antidote de la mort » écrit André Comte-Sponville. J’aime bien cette expression : « la civilisation minimale » et je l’interprète de cette façon : le couple est le plus petit groupe sociétal à la fois représentant et miroir de notre civilisation. Quelle responsabilité !
De mon fauteuil d’écoute, je m’intéresse à ce couple qui reflète avec fidélité la complexité et l’évolution de notre société.
—J’observe le couple dans son désarroi , essayant de s’adapter à la complexité d’une évolution technologique, économique, sociétale. Exposé aux invectives des moralisateurs et prôné par les partisans du « super couple ». Partagé entre les idées reçues, croyances diverses et variées du couple du XIXe siècle (rôles sexués de l’homme et de la femme) et les impératifs présents ( redistribution de ces mêmes rôles en fonction des choix et des compétences de chacun-e).
—J’observe le couple dans son désir de « normalité ». Normal signifie pour eux : bons parents, belle maison en ordre, complicité bienveillante, sensualité et sexualité partagées. Mission impossible ? Comment, dans les conditions actuelles le couple pourrait-il assumer deux professions, tenir une maison, élever un, deux ou trois enfants, laisser à chacun-e un peu de temps et d’espace et être « normal » ? Les couples qui veulent bien faire n’en peuvent plus ! Ils n’y arrivent pas. Malgré toute leur bonne volonté ils se sentent confinés dans leurs multifonctions, épuisés, impuissants face à l’injonction sociétale du «conjugalement normal ».
—J’observe le couple dans son désir de changement, d’inventivité, de construction . Certains-es travaillent d’arrache-pied dans nos cabinets de thérapie de couple et de sexologie pendant des semaines ou des mois à la transformation de leur vie de couple. Ils font ce constat : « Il faudrait que tout le monde sache que l’on peut tout remettre en question et qu’il est en notre pouvoir, individuellement et à deux, d’interagir sur une relation de couple et en conséquence sur notre bien-être individuel « .
FeaturedTendresse, séduction, érotisme
On ne parle pas assez de la tendresse dans un couple. La tendresse ne doit pas se vivre comme un enjeu sexuel, mais bel et bien pour elle-même. On a écrit que les femmes venaient plutôt à la sexualité par la tendresse et les hommes à la tendresse par la sexualité.
Toujours est-il que la tendresse fait souvent défaut dans la continuité du couple alors que l’érotisme a besoin, en amont, de complicité, de connivence et d’entendre « le coeur qui bat ».
Elle est exprimée par l’homme le plus souvent en signe de sérénité et de gratitude après une relation sexuelle.
La femme craint qu’un geste « trop tendre » soit interprété par l’homme comme les prémices d’un désir sexuel.
L’homme se plaint souvent du besoin de réassurance de la femme et de son impatience à recevoir des preuves d’amour, avant de faire l’amour. Quand il ressent du désir et qu’il exprime : « J’ai envie de toi », elle pourrait répondre si elle osait : « J’ai envie d’avoir envie de toi ». Quand lui est dans le désir, elle est dans le désir du désir. L’homme se sent frustré de ne pas recevoir une réponse équivalente à son désir.
Il ne comprend pas.
La femme attend « le » message affectif qui déclencherait son désir. Elle ressent le désir masculin trop rapide et trop brutal, pas assez lent et doux. Elle a du mal à installer dans l’intimité du couple son besoin de romantisme, de légèreté, de fantaisie, de jeu, son besoin de séduction. Avec l’érosion du quotidien et de la routine, les tentatives pour séduire un partenaire trop présent s’émoussent et on baisse les bras.
Et pourtant… : « Je suis là et je sais que tu es là. Je te regarde, je t’écoute, je me sens bien à côté de toi. Tu es la seule personne, ici et maintenant que je désire près de moi. »
Tendresse, séduction et érotisme sont indissociables à condition d’exprimer ce que l’on ressent car le chemin qui mène l’homme vers le désir n’est pas du tout le même que celui de la femme.
FeaturedD’où vient cette croyance au sujet de l’orgasme féminin ?
Dans son livre : « Le corps libéré »[1], Suzanne Képès parle du « mythe de l’orgasme vaginal » déclaré au début du XXe siècle comme le seul, le vrai, l’authentique. Sigmund Freud va renforcer le trait en n’hésitant pas à expliquer que la femme vaginale (qui jouit à la pénétration) est mature, et la femme clitoridienne (qui jouit en se masturbant) immature. Combien de femmes encore aujourd’hui viennent demander s’il n’est pas « mal » ou « anormal » de jouir par stimulation clitoridienne au cours d’une relation sexuelle ? Combien d’hommes attendent de leur compagne une jouissance vaginale équivalente en intensité à la leur ? Les images pornographiques renforcent l’idée de jouissance facile et systématique chez la femme. Comme s’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour déclencher un orgasme. Je finis par me demander si la pornographie n’a pas été inventée pour compenser le mystère du « continent noir » de la féminité… et pour renforcer d’une façon machiavélique l’illusion d’une superpuissance virile.
[1]Suzanne Képès, directrice d’enseignement en sexualité humaine, auteure de : « Le corps libéré », psychosomatique de la sexualité paru en Avril 2002 Editions La Découverte Poche
FeaturedEst-ce la pornographie qui déteint sur notre comportement sexuel ?
Malheureusement trop souvent, avec des conséquences désastreuses pour la femme comme pour l’homme. Le « porno » s’apparente à un mouvement incessant et répétitif, une mécanique, une sexualité sans affect : les mêmes gestes, souvent dans le même ordre, les mêmes caresses, les mêmes positions, les mêmes cadrages, les mêmes mots, lorsqu’il y en a, les mêmes gémissements ou halètements… En sus, la vulgarité, la bassesse, la bêtise, l’ignominie. Quelle volonté de déshumaniser la femme, de la rabaisser, de la soumettre, de l’humilier, de la souiller, de l’avilir! Pour l’homme, sa mutation en « marteau piqueur » n’est pas non plus très réjouissante. La pornographie donne une vision brutale et violente de la sexualité, où les relations entre hommes et femmes ne connaissent aucune tendresse ni sentiment affectif. Ni la morale répressive d’antan ni la pornographie contemporaine ne font bon ménage avec une sexualité humaine qui implique séduction respectueuse, expression émotionnelle d’un lien tendre ou amoureux, courtoisie, délicatesse. Alors surtout, ne confondons pas pornographie et érotisme : la pornographie se sert du corps objet, le manipule et le vend ; l’érotisme révèle le corps sujet, le respecte et l’exalte.
La tendresse fait-elle partie de l’érotisme ?
On ne parle pas assez de la tendresse dans un couple. La tendresse ne doit pas se vivre comme un enjeu sexuel, mais bel et bien pour elle-même. On a écrit que les femmes venaient plutôt à la sexualité par la tendresse et les hommes à la tendresse par la sexualité.
Toujours est-il que la tendresse fait souvent défaut dans la continuité du couple et que l’érotisme a besoin, en amont, de complicité, de connivence et d’entendre « le cœur qui bat ». Elle est exprimée par l’homme le plus souvent en signe de sérénité et de gratitude après une relation sexuelle. La tendresse n’est pas assez exprimée par la femme quand elle craint qu’un geste « trop tendre » soit interprété par l’homme comme les prémices d’un désir sexuel.
Ils·elles réfrènent les gestes de tendresse pour des raisons différentes, qui l’appréhension, qui l’insatisfaction, toutes deux liées à l’amalgame entre tendresse et sexualité. L’objectif de la balade érotique est la conservation de la tendresse, l’objectif de la tendresse est la conservation de la balade érotique.
L’homme se plaint souvent du besoin de réassurance de la femme et de son impatience à recevoir des preuves d’amour, avant de faire l’amour. Quand il ressent du désir et qu’il l’exprime : « J’ai envie de toi », elle pourrait répondre si elle osait : « J’ai envie d’avoir envie de toi ».
Quand lui est dans le désir, elle est dans le désir du désir. Elle attend « le » message affectif qui déclencherait son désir. Elle ressent le désir masculin trop rapide et trop brutal, pas assez lent et doux. Anaïs Nin relate cette peur féminine[] : « J’aime sa brutalité, je suis consciente de son désir, j’aime sa bouche et la force calculée de ses bras, mais son désir m’effraie, m’écœure. Je me dis : c’est parce que je ne l’aime pas. Dès que j’ai analysé cela, son désir tendu vers moi est comme une épée tendue entre nous, je me délivre et je m’en vais. »
La femme a du mal à installer dans l’intimité du couple son besoin de romantisme, de légèreté, de fantaisie, de jeu, son besoin de séduction. Avec l’érosion du quotidien et de la routine, les tentatives pour séduire un partenaire trop présent s’émoussent et on baisse les bras. Et pourtant… : « Je suis là et je sais que tu es là. Je te regarde, je t’écoute, je me sens bien à côté de toi. Tu es la seule personne, ici et maintenant que je désire près de moi. » Tendresse et séduction vont de pair.