On ne parle pas assez de la tendresse dans un couple. La tendresse ne doit pas se vivre comme un enjeu sexuel, mais bel et bien pour elle-même. On a écrit que les femmes venaient plutôt à la sexualité par la tendresse et les hommes à la tendresse par la sexualité.
Toujours est-il que la tendresse fait souvent défaut dans la continuité du couple alors que l’érotisme a besoin, en amont, de complicité, de connivence et d’entendre « le coeur qui bat ».
Elle est exprimée par l’homme le plus souvent en signe de sérénité et de gratitude après une relation sexuelle.
La femme craint qu’un geste « trop tendre » soit interprété par l’homme comme les prémices d’un désir sexuel.
L’homme se plaint souvent du besoin de réassurance de la femme et de son impatience à recevoir des preuves d’amour, avant de faire l’amour. Quand il ressent du désir et qu’il exprime : « J’ai envie de toi », elle pourrait répondre si elle osait : « J’ai envie d’avoir envie de toi ». Quand lui est dans le désir, elle est dans le désir du désir. L’homme se sent frustré de ne pas recevoir une réponse équivalente à son désir.
Il ne comprend pas.
La femme attend « le » message affectif qui déclencherait son désir. Elle ressent le désir masculin trop rapide et trop brutal, pas assez lent et doux. Elle a du mal à installer dans l’intimité du couple son besoin de romantisme, de légèreté, de fantaisie, de jeu, son besoin de séduction. Avec l’érosion du quotidien et de la routine, les tentatives pour séduire un partenaire trop présent s’émoussent et on baisse les bras.
Et pourtant… : « Je suis là et je sais que tu es là. Je te regarde, je t’écoute, je me sens bien à côté de toi. Tu es la seule personne, ici et maintenant que je désire près de moi. »
Tendresse, séduction et érotisme sont indissociables à condition d’exprimer ce que l’on ressent car le chemin qui mène l’homme vers le désir n’est pas du tout le même que celui de la femme.
FeaturedD’où vient cette croyance au sujet de l’orgasme féminin ?
Dans son livre : « Le corps libéré »[1], Suzanne Képès parle du « mythe de l’orgasme vaginal » déclaré au début du XXe siècle comme le seul, le vrai, l’authentique. Sigmund Freud va renforcer le trait en n’hésitant pas à expliquer que la femme vaginale (qui jouit à la pénétration) est mature, et la femme clitoridienne (qui jouit en se masturbant) immature. Combien de femmes encore aujourd’hui viennent demander s’il n’est pas « mal » ou « anormal » de jouir par stimulation clitoridienne au cours d’une relation sexuelle ? Combien d’hommes attendent de leur compagne une jouissance vaginale équivalente en intensité à la leur ? Les images pornographiques renforcent l’idée de jouissance facile et systématique chez la femme. Comme s’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour déclencher un orgasme. Je finis par me demander si la pornographie n’a pas été inventée pour compenser le mystère du « continent noir » de la féminité… et pour renforcer d’une façon machiavélique l’illusion d’une superpuissance virile.
[1]Suzanne Képès, directrice d’enseignement en sexualité humaine, auteure de : « Le corps libéré », psychosomatique de la sexualité paru en Avril 2002 Editions La Découverte Poche
FeaturedEst-ce la pornographie qui déteint sur notre comportement sexuel ?
Malheureusement trop souvent, avec des conséquences désastreuses pour la femme comme pour l’homme. Le « porno » s’apparente à un mouvement incessant et répétitif, une mécanique, une sexualité sans affect : les mêmes gestes, souvent dans le même ordre, les mêmes caresses, les mêmes positions, les mêmes cadrages, les mêmes mots, lorsqu’il y en a, les mêmes gémissements ou halètements… En sus, la vulgarité, la bassesse, la bêtise, l’ignominie. Quelle volonté de déshumaniser la femme, de la rabaisser, de la soumettre, de l’humilier, de la souiller, de l’avilir! Pour l’homme, sa mutation en « marteau piqueur » n’est pas non plus très réjouissante. La pornographie donne une vision brutale et violente de la sexualité, où les relations entre hommes et femmes ne connaissent aucune tendresse ni sentiment affectif. Ni la morale répressive d’antan ni la pornographie contemporaine ne font bon ménage avec une sexualité humaine qui implique séduction respectueuse, expression émotionnelle d’un lien tendre ou amoureux, courtoisie, délicatesse. Alors surtout, ne confondons pas pornographie et érotisme : la pornographie se sert du corps objet, le manipule et le vend ; l’érotisme révèle le corps sujet, le respecte et l’exalte.
FeaturedQu’appelez-vous orgasmocratie ? »
Il s’agit encore d’un extrême : cela veut dire jouir à tout prix, quelle que soit la qualité de l’échange sexuel et sa durée. Encore une injonction, une pression mentale de notre temps, un cadeau empoisonné que nous offre notre époque, augmenté de l’utopie d’un bonheur sexuel flamboyant, renouvelable à souhait et à la portée de tous, n’importe quand et n’importe comment.
L’orgasmocratie signe et corrobore le désir de fusion et d’efficacité. La passion amoureuse transforme deux êtres foncièrement différents en deux clones sexuels nageant dans un bonheur fusionnel aussi intense que de courte durée et porteur d’illusions : nous jouirons chaque fois et même plusieurs fois et en même temps. C’est la « course à l’orgasme » qui nous rend dépendant·e·s de modèles tels que la pornographie, aux dépens de notre liberté et de notre autonomie.
De son côté, la sexualité que l’on nous présente comme désirable à grands coups de blockbusters et de publicités est humainement impossible.
L’orgasmocratie exige un masculin qui doit séduire, plaire, être doux, à la fois provocateur et respectueux. C’est lui seul ou presque qui doit être à l’origine de l’excitation du couple. On a mis sur les épaules de l’homme la responsabilité du plaisir du couple, c’est sans doute pour cette raison qu’il a les épaules larges ! Il doit deviner les effets de ses caresses sur une personne à qui l’on a appris à ne pas dévoiler ses émotions sexuelles.
Au féminin, elle doit être douce, tolérante à l’égard des exigences de son partenaire, à l’écoute de son amant, à la fois passive et excitante, excitée, mais pas trop pour ne pas choquer ou effrayer. Tiraillée dans son imaginaire entre le modèle de la vierge et celui de la putain, elle a l’obligation de jouir, de l’exprimer et d’en être redevable.
Il nous appartient de nous délivrer de cet engrenage des rôles sexués : pour les hommes, ne plus se réduire à être de bons techniciens, de bons ouvriers spécialisés du sexe. Devenir de vrais amants, hommes présents, habités de leur émotion, offrant leur désir et leur plaisir. Pour les femmes, chercher leur autonomie dans l’excitation et le plaisir, découvrir la jouissance, peu à peu, comme elles le souhaitent.
Quand le corps n’est pas ou plus disponible …
Quand le corps ne nous permet pas d’échanger une sexualité concrète, c’est l’imaginaire qui prend le relais de la fantaisie, du jeu, des provocations séduisantes et des mises en scène amoureuses.
Rêves éveillés, mentalisations, fantasmes, souvenirs érotiques, empreintes sensorielles et sensuelles occupent silencieusement l’espace de nos désirs et de notre plaisir.
L’imagination ne remplace pas l’action, mais permet au couple aimant de continuer à exister en créant de part et d’autre une ambiance romantico-érotique : il est quelquefois possible d’en parler avec son ou sa partenaire dans des moments de détente, de lâcher prise, loin de tout jugement de valeur ou d’accusation pudibonde :
« La nuit dernière, entre deux biberons, j’ai rêvé que tu me caressais avec beaucoup de douceur, lentement, amoureusement, et c’était bon ! ». « Pourquoi ne m’as-tu pas réveillé·e ? » réponse : « Je t’aime… serre-moi contre toi ».
Atmosphère sensuelle et amoureuse dans laquelle chacun·e pourra puiser un plaisir mental .