Elle se situe au moment où la passion amoureuse laisse place à moins de désir et moins de romantisme dans le couple. Il s’agit de la difficulté à créer des situations propices au désir et à l’excitation parce qu’on voit tous les jours et la routine fait son œuvre de désenchantement. Elle vise à résoudre un malentendu sexuel dans lequel chaque personne se sent frustrée par le comportement de l’autre. C’est le quiproquo sexuel (traité dans d’autres articles) et dans mon essai: « A nous deux, le couple! » La médiation sexuelle se situe en aval de la passion amoureuse, quand le temps a fait son œuvre d’usure, que chacun·e reproche à l’autre, qui, un manque de romantisme, qui, un manque de désir et tous deux un manque de spontanéité : « Il ou elle n’est plus comme avant »… La médiation sexuelle combat l’ignorance et les idées reçues qui sont légion dans ce domaine. Elle est un lieu privilégié où l’érotisme se parle, un espace d’acquisition de connaissances, d’apprentissage de sa sensualité et de celle de l’autre, d’écoute et d’expression des ressentis, des émotions et des découvertes de chacun·e. La communication émotionnelle joue ici un rôle central mais difficile pour deux raisons: — Notre vocabulaire érotique est trop pauvre pour exprimer un désir et une sensualité propres à chacun et chacune de nous. — « Ces choses-là ne se disent pas ». C’est tabou. La médiation sexuelle ouvre délicatement le champ des possibles dans la communication du vécu intime au sein du couple. |
Featured« J’attends de lui plus de patience, plus de tolérance »
C’est une phrase très souvent exprimée dans le cadre du couple qui dure et de la sexualité.
» Il voudrait que je le désire quand lui me désire. Il me reproche de ne pas l’aimer comme lui m’aime. Et quand je lui demande d’être gentil avec moi, il me tourne le dos ou se fâche et me fait la tête « .
L’homme a besoin de faire l’amour pour être tendre et la femme a besoin de tendresse pour faire l’amour.
Les accusations fusent de part et d’autre alors qu’il suffirait de parler de nos différences physiques, émotionnelles, sensuelles pour trouver un terrain d’entente. Bien entendu cela requiert patience et tolérance à condition que l’homme et la femme communiquent leurs ressentis personnels.
Faire l’amour n’est pas un acte mais un chemin, un voyage à deux dans la découverte de soi et de l’autre.
Etre curieux, curieuse. Prendre le risque d’être maladroit.e, de commettre une erreur, attendre de l’autre un parcours parfait, rechercher l’orgasme à tout prix et bâcler la sensualité, l’intuition des gestes, la douceur, la délicatesse, le respect de l’autre.
Les réactions sexuelles de l’homme et de la femme sont différentes. Malheureusement on ne nous l’apprend pas, on en parle pas. Quand on parle d’amour, on fait toujours référence à la passion amoureuse qui nous fait croire que nous sommes semblables. Mais la passion ne dure pas et on ne nous donne pas les clés pour l’après passion. ( référence à « La balade érotique » dans mon essai: « A nous deux, le couple » publié en 2019 )
FeaturedD’où vient cette croyance au sujet de l’orgasme féminin ?
Dans son livre : « Le corps libéré »[1], Suzanne Képès parle du « mythe de l’orgasme vaginal » déclaré au début du XXe siècle comme le seul, le vrai, l’authentique. Sigmund Freud va renforcer le trait en n’hésitant pas à expliquer que la femme vaginale (qui jouit à la pénétration) est mature, et la femme clitoridienne (qui jouit en se masturbant) immature. Combien de femmes encore aujourd’hui viennent demander s’il n’est pas « mal » ou « anormal » de jouir par stimulation clitoridienne au cours d’une relation sexuelle ? Combien d’hommes attendent de leur compagne une jouissance vaginale équivalente en intensité à la leur ? Les images pornographiques renforcent l’idée de jouissance facile et systématique chez la femme. Comme s’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour déclencher un orgasme. Je finis par me demander si la pornographie n’a pas été inventée pour compenser le mystère du « continent noir » de la féminité… et pour renforcer d’une façon machiavélique l’illusion d’une superpuissance virile.
[1]Suzanne Képès, directrice d’enseignement en sexualité humaine, auteure de : « Le corps libéré », psychosomatique de la sexualité paru en Avril 2002 Editions La Découverte Poche
FeaturedQu’appelez-vous orgasmocratie ? »
Il s’agit encore d’un extrême : cela veut dire jouir à tout prix, quelle que soit la qualité de l’échange sexuel et sa durée. Encore une injonction, une pression mentale de notre temps, un cadeau empoisonné que nous offre notre époque, augmenté de l’utopie d’un bonheur sexuel flamboyant, renouvelable à souhait et à la portée de tous, n’importe quand et n’importe comment.
L’orgasmocratie signe et corrobore le désir de fusion et d’efficacité. La passion amoureuse transforme deux êtres foncièrement différents en deux clones sexuels nageant dans un bonheur fusionnel aussi intense que de courte durée et porteur d’illusions : nous jouirons chaque fois et même plusieurs fois et en même temps. C’est la « course à l’orgasme » qui nous rend dépendant·e·s de modèles tels que la pornographie, aux dépens de notre liberté et de notre autonomie.
De son côté, la sexualité que l’on nous présente comme désirable à grands coups de blockbusters et de publicités est humainement impossible.
L’orgasmocratie exige un masculin qui doit séduire, plaire, être doux, à la fois provocateur et respectueux. C’est lui seul ou presque qui doit être à l’origine de l’excitation du couple. On a mis sur les épaules de l’homme la responsabilité du plaisir du couple, c’est sans doute pour cette raison qu’il a les épaules larges ! Il doit deviner les effets de ses caresses sur une personne à qui l’on a appris à ne pas dévoiler ses émotions sexuelles.
Au féminin, elle doit être douce, tolérante à l’égard des exigences de son partenaire, à l’écoute de son amant, à la fois passive et excitante, excitée, mais pas trop pour ne pas choquer ou effrayer. Tiraillée dans son imaginaire entre le modèle de la vierge et celui de la putain, elle a l’obligation de jouir, de l’exprimer et d’en être redevable.
Il nous appartient de nous délivrer de cet engrenage des rôles sexués : pour les hommes, ne plus se réduire à être de bons techniciens, de bons ouvriers spécialisés du sexe. Devenir de vrais amants, hommes présents, habités de leur émotion, offrant leur désir et leur plaisir. Pour les femmes, chercher leur autonomie dans l’excitation et le plaisir, découvrir la jouissance, peu à peu, comme elles le souhaitent.
L’injonction de performance
L’injonction de performance se fait de plus en plus pressante au masculin comme au féminin.
Un de mes impatients ( les personnes et les couples que je reçois sont impatients de trouver une solution à leurs problèmes ), se plaignant de ne pas être « performant » me dit souffrir d’une « angoisse de normalité ». Pour lui, la normalité en matière de sexualité c’est la performance. Il faut être à la hauteur, avoir un désir sexuel spontané, réciproque, que l’on vienne de se rencontrer ou que le couple dure depuis 10 ans. Pour ma part, j’interprète son discours comme l’expression d’une « championnite » contemporaine dans ce domaine.
L’homme exige de lui-même une érection pénienne au garde à vous et qui dure le plus longtemps possible. Parallèlement, la femme exige d’elle-même une excitation et des réactions sexuelles quasi simultanées et équivalentes en intensité à celles de l’homme.
Ors, réactions sexuelles en chaîne et à fortiori simultanées ne sont pas compatibles avec nos différences.
Théoriquement tout le monde le reconnaît mais concrètement on agit comme si on ne le savait pas.
La recherche scientifique et pharmacologique favorisent la quête d’une activité sexuelle de compétition en faveur d’une sexualité mécanique. (facilitateurs de l’érection )
La lenteur, la sensualité, l’intuition des geste, n’ont pas leur place dans cette lutte pour une efficacité à tout prix et à tout épreuve: une « orgasmocratie » vaine et inhumaine.
Revenons plutôt à la « balade érotique » ( 3ème partie de mon essai: « A nous deux le couple! » ): se promener lentement dans l’érotisme… sans savoir où nous mène cette promenade sensuelle , seule pourvoyeuse de plaisir.