À ceux et celles qui pensent que le lit commun favorise l’équilibre et l’entente dans le
couple, à celui ou celle qui attend avec impatience le moment de se coucher pour faire
l’amour, à celui ou celle qui redoute le moment de se coucher par peur de devoir faire
l’amour : de quel « faire l’amour » parle-t-on et de quelle sexualité s’agit-il ?
Le lit commun invite-t-il à l’assouvissement d’un besoin sexuel souvent univoque ou à
l’aboutissement d’un échange tendre et sensuel ?
Situation la plus fréquente :
Elle : « On est bien au lit, au chaud tous les deux, c’est bien, parce que j’ai toujours froid aux
pieds »
Lui : « Si elle se colle contre moi, je vais très vite avoir envie d’elle »
La proximité physique provoque chez la plupart des hommes un besoin et un désir de
rapprochement sexuel, désir naturel, physiologiquement spontané. Pour elle, le désir ne
sera pas instantané. La chaleur et l’intimité physique qui découlent de la proximité des deux
corps ne seront la plupart du temps pas suffisantes pour provoquer son désir.
Il reproche à sa compagne de ne pas l’aimer autant que lui puisqu’ elle n’a pas envie de
faire l’amour. Il la soupçonne de « frigidité, d’indifférence ou d’infidélité ».
Elle reproche à son compagnon un manque de “romantisme”, attentions, délicatesse, gentillesse, tendresse … Elle le soupçonne d’être obsédé par la sexualité .
Je retrouve les mêmes situations chez un couple homosexuel. Ce qui veut dire que la différence de sexe n’est pas seule en cause mais tout simplement la différence de personne. La concomitance du désir sexuel n’existe qu’au moment de la rencontre amoureuse : c’est le désir magique. Cette spontanéité magique qui ne résistera pas à l’usure du temps, de la promiscuité et de la routine.
Pour beaucoup de couples, ce décalage des désirs est difficile à vivre parce que chacun.e croit
qu’ils ne s’aiment plus autant. Celui ou celle qui désirerait peu ou pas, n’aimerait plus ?
On confond bien souvent désir sexuel et amour ou affectivité.
On peut désirer faire l’amour avec quelqu’un sans pour autant porter de l’affection à cette
personne. On peut aussi porter de l’affection à une personne sans pour autant la désirer
sexuellement. Dans le couple dans la durée, si l’affectivité, la complicité, la solidarité,
l’amitié, sont au centre, la sexualité, elle, ne l’est pas.
Cela dépend d’abord de ce qu’on entend par « amour ». Je parlerais plutôt d’une relation de couple faite d’estime, de complicité, de connivence, de préférence, une relation dans laquelle la passion amoureuse fusionnelle n’est plus aussi intense, mais a laissé des traces d’admiration réciproque, d’attentions respectueuses, de curiosité du devenir de chacun·e, une sorte d’amitié amoureuse .
Cette volonté raisonnée de construire une vie en couple qui nous convient a pour seul et unique moteur l’intelligence du sentiment affectif. Si passion amoureuse et raison ne sont pas compatibles, amitié amoureuse et raison peuvent l’être parfaitement. Elles guident le « contrat post-passion ».
Être raisonnable dans le couple, c’est accepter de faire son chemin à côté d’une personne qui ne nous convient pas en totalité — la personne qui nous conviendrait en totalité n’existe pas — et ne jamais la laisser entraver notre propre chemin d’évolution.
L’amitié amoureuse est pour moi la définition de l’amour dans la continuité : l’alliance et la mise en scène de la fantaisie et de la raison sur la scène de théâtre du couple.
« Heureux les amoureux, quel que soit leur sexe, lorsqu’ils deviennent amis et restent amants ! » André Comte Sponville.