On n’est pas d’accord et chacun-e pense qu’il ou elle a raison. On en est tellement convaincu-e que le conflit est inévitable ; mais ce sera un conflit sans aboutissement, sans résolution du problème. Celui ou celle qui aura le dernier mot aura gagné. La scène de ménage n’est pas un dialogue. Ce sont deux monologues qui se croisent sans jamais se rencontrer. Et c’est pour cette raison que la violence s’installe, pour que la rencontre se fasse à tout prix ! L’impuissance de convaincre avec les mots entraîne la rencontre des corps. « Je ne peux pas te faire entendre raison avec mes mots, mes mots ne sont pas assez frappants pour te convaincre, alors je vais te frapper avec mon corps. »
Les gestes vont tenter d’accomplir ce qu’un dialogue inexistant laisse inaccompli : un véritable échange. Les coups tentent de remplacer les mots. C’est un déchaînement de colère, de cris, de pleurs des deux côtés mais ce n’est toujours pas un dialogue de raison.
Et cet état de faits ne résoudra rien ni d’un côté ni de l’autre.
Celui ou celle qui aura le dernier mot aura l’impression de vaincre, d’avoir gagné, d’avoir raison. Sentiment fugace de supériorité vite remplacé par un sentiment de culpabilité.
Attendons que les passions s’apaisent…
Assaillons-nous autour d’une table et parlons doucement de nos inévitables mais riches différences.
Le mythe d’une sexualité « parfaite »
Cette période sécuritaire en matière d’épidémie et les réticences relationnelles qu’elle occasionne vont mettre en évidence de nouveaux questionnements sur l’intimité du couple et en particulier sur sa sexualité. Réflexions que je souhaiterais appropriées à une sexualité plus humaine dans le couple au long cours. La sexualité que l’on nous présente comme désirable, idéale et incontournable à grands coups de blockbusters et de publicités est humainement impossible.
Elle exige un masculin qui doit séduire, plaire, être doux, à la fois provocateur et respectueux. C’est lui seul ou presque qui doit être à l’origine d’une relation sexuelle réussie. On a mis sur les épaules de l’homme la responsabilité du plaisir du couple, c’est sans doute pour cette raison qu’il a les épaules larges ! Il doit deviner les effets de ses caresses sur une personne à qui l’on a appris à ne pas dévoiler ses émotions sexuelles. Au féminin, elle doit être douce, tolérante à l’égard des exigences de son partenaire, à l’écoute de son amant, à la fois passive et excitante, excitée, mais pas trop pour ne pas choquer ou effrayer. Tiraillée dans son imaginaire entre le modèle de la vierge et celui de la putain, elle a néanmoins l’obligation de jouir, de l’exprimer et d’en être redevable.
Il nous appartient de nous délivrer de cet engrenage : pour les hommes, ne plus se réduire à être de bons techniciens, de bons ouvriers spécialisés du sexe. Mais devenir de vrais amants, hommes présents, habités de leurs émotions, offrant leur désir et leur plaisir. Pour les femmes, chercher leur autonomie dans l’excitation et le plaisir, découvrir la jouissance, peu à peu, comme elles le souhaitent et ne pas tout attendre de l’autre.
La sexualité semble être en permanence jugulée par deux extrêmes : l’obscurantisme du XIXe siècle et la pornographie avec l’hypersexualisation des XXe et XXIe siècle. L’ignorance de notre corps et de nos capacités érotiques se perpétue de générations en générations. Les mythes continuent de se propager. Les stéréotypes et fadaises règnent en maîtres sur ce sujet. Les conséquences ? Je suis intimement persuadée que la mésentente sexuelle est LA principale cause des violences conjugales. Quand oserons-nous enfin parler de la nécessité des apprentissages en matière d’affectivité, d’érotisme et de couple ?
Bas les masques !
1er Colloque – l’après-midi du couple
REPORT en 2021
Retrouvez ci-dessous toutes les informations sur le 1er Colloque organisé par l’Association « A nous deux, le couple ! ».
Exit le langage des mains et du sourire ?
Qu’en est-il de la perte momentanée ou durable, nous ne savons pas encore, de ce sens si vital que représente pour nous, thérapeutes sexologues, le « toucher » ?
Qu’en est-il de « la poignée de main » lors de l’accueil de mes impatients-tes ? Se serrer la main est interdit. Pourtant ce premier geste partagé entre une personne ou un couple et son thérapeute est porteur de rassurance et d’empathie. Il symbolise dans notre culture latine, un accueil chaleureux, et dans notre éthique professionnelle, un accord de principe : « Je vous reçois pour répondre à votre attente de soin ». Ce langage des mains, ce « passage de relais » lors d’une nouvelle rencontre me manque et manque à mes impatients-tes. Instinctivement nous nous surprenons à amorcer le geste de tendre la main, mais très vite l’élan est interrompu par l’interdit, la raison. Je dis, comme pour m’excuser: « Nous n’avons pas le droit… mais le cœur y est. » Les mots tentent de remplacer le geste. Je laisse à la personne que je reçois le soin de décider que nous portions le masque ou pas. Un bureau nous sépare, qui matérialise à la fois la bonne distance sanitaire et l’espace octroyé au respect des personnes et des mots ; concordance positive. Au bout de quelques minutes d’entretien, la personne en face de moi, enlève son masque. Pour mieux respirer ? Pour parler plus librement ? Pour ne pas masquer ses émotions ? Son mieux-être est visible. Elle pose son masque, s’installe plus confortablement et sourit. Le sourire, comme une invitation à continuer l’entretien, à s’autoriser l’expression de ses émotions.
N’oublions pas que le masque (notamment au théâtre) est la métaphore d’une attitude trompeuse. Qui que nous soyons ressentons un malaise face à cet objet. Instinct de conservation et désir de relation humaine se confrontent dans nos pensées et nos actes. La bonne distance, qu’elle soit à but sanitaire, dans le couple, ou dans la relation thérapeutique est le lieu du dialogue, de la médiation et du respect.
Pourrions-nous à l’avenir attribuer à ces « gestes barrière » une deuxième mission d’ « ouverture » et inventer de nouveaux comportements relationnels ?
« Le réel est à prendre ou à laisser… Mieux vaut agir que trembler. » Extraits du livre « Contre la peur » auteur : André Comte Sponville.
La bonne distance… dans le couple
La gestion du temps était, avant le confinement, le problème numéro un du couple dans la vie de tous les jours. Avec le télétravail et le chômage partiel le nouveau problème s’avère être la gestion de l’espace. A l’extérieur de la maison, la distance entre les individus sera de 1 à 10 mètres selon les activités exercées. Dans le couple la distance n’est bien entendu pas précisée. Pourrait-on imaginer une évaluation de la distanciation en fonction du degré de l’affectivité. Je t’aime un peu : 4m, beaucoup : 1m, passionnément : 0m, à la folie : les deux se confondent. « La folie dévoratrice qui lie deux personnes à leur début ne peut se prolonger sauf à se muer en d’autres liens non moins estimables, la complicité, l’amitié douce et confiante. » Pascal Bruckner Le mariage d’amour a-t-il échoué ?
Comment trouver la bonne distance dans le couple aujourd’hui ? Entre « Tu es loin » et « Tu m’étouffes » ou entre « Tu ne t’occupes pas assez des enfants » et « Tu es énervé-e parce que tu fais trop de choses à la fois ». Quel comportement adopter pour trouver la bonne mesure du lieu et du temps dont j’ai besoin pour télétravailler ou pour faire des choses qui m’intéressent, parce que le chômage même partiel me fait ressentir un sentiment d’inutilité et de culpabilité?
Je suggère deux possibilités : 1) Un petit morceau de table dans la salle à manger fera l’affaire, je serai accessible à toute la famille et j’assumerai, à l’image de superman ou de superwoman les quatre fonctions de parent, époux-se, ami-e et professionnel-le en même temps. 2) Je programme une réunion de famille pour dialoguer sur la nécessité d’une organisation collective. Le couple va devoir passer d’un état multifonction déjà lourd à porter avant le confinement, à l’état de « champion toutes catégories » imposé par de nouvelles exigences professionnelles et relationnelles. Cette mutation, imprévisible avant le confinement, va nous donner du fil à retordre. Et c’est encore le couple qui va casquer ! On passe soudainement d’un schéma de compréhension à un autre sans aucune préparation.
Il faut tout inventer nous-mêmes. On ne peut plus se permettre de deviner, d’improviser, de dire que l’amour va encore une fois tout résoudre. Je l’écrivais déjà dans mon essai : « le couple, tel une entreprise, constitue une forme de partenariat régi par un contrat (tacite ou formulé) et permettant de mettre en œuvre des projets co-construits. Pour cela il est utile de savoir gérer les priorités, planifier et se répartir les tâches. » S’inviter sous le même toit, s’assoir ensemble autour d’une table, papier, crayon, réflexion, concertation.
Dans le couple, la bonne distance se mesure à nos capacités de communication, d’innovation, de solidarité, d’équité et surtout d’adaptation.
« La bonne distance se réalise avec le recours au langage, aux signes, au verbe, au sens échangés par deux acteurs lucides, informés et décidés à faire coïncider leurs actes et leurs déclarations. » Michel Onfray Théorie du corps amoureux.