L’injonction d’exclusivité sexuelle est renforcée par les effets de la spontanéité de la rencontre
amoureuse : la fusion des sentiments et des émotions procure une certitude : « Ça ne s’arrêtera
jamais, on s’aimera toujours aussi fort », l’illusion d’une fidélité naturelle qui durerait toute la vie et
qui ne demanderait aucun effort.
En érigeant l’exclusivité sexuelle en condition absolue de la cohésion du couple, on a instauré
une “dictature de la fidélité”, qui est en bonne partie responsable de l’immense décalage entre
l’acte d’infidélité, peu significatif au fond quant à la qualité du lien du couple, et ses
conséquences: souffrance du couple amoureusement amical, surveillance, espionnage,
malveillance, vengeance, médisance, enfants “pris en otages”, désordres familiaux collatéraux,
violences allant jusqu’au crime. Un véritable effet papillon !!!
Pourquoi tant de haine contre notre nature ?
La fidélité sexuelle est-elle obligatoire ?
Dans la nature, chez la plupart des animaux, il n’y a pas d’exclusivité sexuelle sauf rares
exceptions. Le seul impératif est la survie de l’espèce. Le mâle est programmé pour féconder
plusieurs femelles et la femelle est programmée pour être fécondée par plusieurs mâles. On ne
sait pas qui est le père du petit à naître.
L’homme a inventé et installé l’exclusivité sexuelle, la fidélité, pour un souci de paternité.
« Je veux être sûr que ce fils soit de moi » . L’homme naturellement polygyne et la femme
naturellement polyandre se voient dans l’obligation de refreiner leur pulsion animale pour rester
fidèles dans leur couple. La fidélité sexuelle n’est pas une évidence naturelle mais un gage de
moralité envers la société et au nom de l’amour.
On peut néanmoins être fidèle par choix, par souci d’honnêteté conjugale ou de sécurité,
de tranquillité, de respect de la loi.
Ou bien , tout simplement et amoureusement : « Je n’ai pas envie de toucher un autre corps que le tien ».
Faire l’amour, partage ou contrainte
À ceux et celles qui pensent que le lit commun favorise l’équilibre et l’entente dans le
couple, à celui ou celle qui attend avec impatience le moment de se coucher pour faire
l’amour, à celui ou celle qui redoute le moment de se coucher par peur de devoir faire
l’amour : de quel « faire l’amour » parle-t-on et de quelle sexualité s’agit-il ?
Le lit commun invite-t-il à l’assouvissement d’un besoin sexuel souvent univoque ou à
l’aboutissement d’un échange tendre et sensuel ?
Situation la plus fréquente :
Elle : « On est bien au lit, au chaud tous les deux, c’est bien, parce que j’ai toujours froid aux
pieds »
Lui : « Si elle se colle contre moi, je vais très vite avoir envie d’elle »
La proximité physique provoque chez la plupart des hommes un besoin et un désir de
rapprochement sexuel, désir naturel, physiologiquement spontané. Pour elle, le désir ne
sera pas instantané. La chaleur et l’intimité physique qui découlent de la proximité des deux
corps ne seront la plupart du temps pas suffisantes pour provoquer son désir.
Il reproche à sa compagne de ne pas l’aimer autant que lui puisqu’ elle n’a pas envie de
faire l’amour. Il la soupçonne de « frigidité, d’indifférence ou d’infidélité ».
Elle reproche à son compagnon un manque de “romantisme”, attentions, délicatesse, gentillesse, tendresse … Elle le soupçonne d’être obsédé par la sexualité .
Je retrouve les mêmes situations chez un couple homosexuel. Ce qui veut dire que la différence de sexe n’est pas seule en cause mais tout simplement la différence de personne. La concomitance du désir sexuel n’existe qu’au moment de la rencontre amoureuse : c’est le désir magique. Cette spontanéité magique qui ne résistera pas à l’usure du temps, de la promiscuité et de la routine.
Pour beaucoup de couples, ce décalage des désirs est difficile à vivre parce que chacun.e croit
qu’ils ne s’aiment plus autant. Celui ou celle qui désirerait peu ou pas, n’aimerait plus ?
On confond bien souvent désir sexuel et amour ou affectivité.
On peut désirer faire l’amour avec quelqu’un sans pour autant porter de l’affection à cette
personne. On peut aussi porter de l’affection à une personne sans pour autant la désirer
sexuellement. Dans le couple dans la durée, si l’affectivité, la complicité, la solidarité,
l’amitié, sont au centre, la sexualité, elle, ne l’est pas.
La fidélité est-elle indispensable dans le couple?
Qu’appelle-t-on fidélité dans le couple ? Parle-t-on de fidélité sexuelle ou d’exclusivité sexuelle ?
Désirer l’exclusivité sexuelle est possible les premiers mois de la rencontre amoureuse, d’ailleurs on ne la désire pas, car les premiers mois nous sommes dans la passion et une passion est exclusive.
Dans le couple qui dure, la passion a du mal à résister au temps, à la routine, aux corvées, à la proximité, à la promiscuité, aux soucis parentaux et matériels …
Ce n’est pas parce que le couple “va mal” que l’un ou l’autre ou les deux rencontreront une personne avec laquelle ils auront une relation amoureuse ou et sexuelle.
L’attirance à l’extérieur du couple est un phénomène naturel mais qu’est-ce qu’on en fait ? L’exclusivité sexuelle, que l’on appelle communément fidélité, n’est pas naturelle. Elle a été instaurée par l’homme, les religions, les pouvoirs politiques, il y a de cela des millénaires, afin de sauvegarder les héritages familiaux et instaurer un ordre social.
Donc notre culture véhicule une coutume, un interdit qui ne coïncide pas avec notre nature.
Et c’est en partie pour cette raison que la vie de couple est difficile.
La fidélité serait alors : ne pas oublier ce qu’on a vécu ensemble. La fidélité devrait survivre à la séparation, à la relation extra-couple, au divorce. On ne peut pas renier le passé, le vécu.
La stabilité du couple ne dépend pas exclusivement de sa sexualité, nous le savons tous et toutes.
Pourquoi alors au XXIème siècle, ne pas concilier mariage d’amour et rencontres extra-couple ?
Le couple est précieux car il est garant d’une stabilité dont nous avons tous.tes besoin. Essayons de réfléchir à ce qui est important pour chacun et chacune d’entre nous avant de faire appel à l’incompréhension et à la violence .
Tendresse, séduction, érotisme
On ne parle pas assez de la tendresse dans un couple. La tendresse ne doit pas se vivre comme un enjeu sexuel, mais bel et bien pour elle-même. On a écrit que les femmes venaient plutôt à la sexualité par la tendresse et les hommes à la tendresse par la sexualité.
Toujours est-il que la tendresse fait souvent défaut dans la continuité du couple alors que l’érotisme a besoin, en amont, de complicité, de connivence et d’entendre « le coeur qui bat ».
Elle est exprimée par l’homme le plus souvent en signe de sérénité et de gratitude après une relation sexuelle.
La femme craint qu’un geste « trop tendre » soit interprété par l’homme comme les prémices d’un désir sexuel.
L’homme se plaint souvent du besoin de réassurance de la femme et de son impatience à recevoir des preuves d’amour, avant de faire l’amour. Quand il ressent du désir et qu’il exprime : « J’ai envie de toi », elle pourrait répondre si elle osait : « J’ai envie d’avoir envie de toi ». Quand lui est dans le désir, elle est dans le désir du désir. L’homme se sent frustré de ne pas recevoir une réponse équivalente à son désir.
Il ne comprend pas.
La femme attend « le » message affectif qui déclencherait son désir. Elle ressent le désir masculin trop rapide et trop brutal, pas assez lent et doux. Elle a du mal à installer dans l’intimité du couple son besoin de romantisme, de légèreté, de fantaisie, de jeu, son besoin de séduction. Avec l’érosion du quotidien et de la routine, les tentatives pour séduire un partenaire trop présent s’émoussent et on baisse les bras.
Et pourtant… : « Je suis là et je sais que tu es là. Je te regarde, je t’écoute, je me sens bien à côté de toi. Tu es la seule personne, ici et maintenant que je désire près de moi. »
Tendresse, séduction et érotisme sont indissociables à condition d’exprimer ce que l’on ressent car le chemin qui mène l’homme vers le désir n’est pas du tout le même que celui de la femme.
D’où vient cette croyance au sujet de l’orgasme féminin ?
Dans son livre : « Le corps libéré »[1], Suzanne Képès parle du « mythe de l’orgasme vaginal » déclaré au début du XXe siècle comme le seul, le vrai, l’authentique. Sigmund Freud va renforcer le trait en n’hésitant pas à expliquer que la femme vaginale (qui jouit à la pénétration) est mature, et la femme clitoridienne (qui jouit en se masturbant) immature. Combien de femmes encore aujourd’hui viennent demander s’il n’est pas « mal » ou « anormal » de jouir par stimulation clitoridienne au cours d’une relation sexuelle ? Combien d’hommes attendent de leur compagne une jouissance vaginale équivalente en intensité à la leur ? Les images pornographiques renforcent l’idée de jouissance facile et systématique chez la femme. Comme s’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour déclencher un orgasme. Je finis par me demander si la pornographie n’a pas été inventée pour compenser le mystère du « continent noir » de la féminité… et pour renforcer d’une façon machiavélique l’illusion d’une superpuissance virile.
[1]Suzanne Képès, directrice d’enseignement en sexualité humaine, auteure de : « Le corps libéré », psychosomatique de la sexualité paru en Avril 2002 Editions La Découverte Poche
