Oui, et c’est d’ailleurs ce qui se fait en général, sans que cela soit formulé.
Qui osera dire : « Je reste avec toi parce que je te préfère aux autres » ? Personne. De peur que l’autre en déduise : « Alors c’est que tu en aimes d’autres ? ». On ne veut pas être « préféré·e », mais aimé·e exclusivement. Ce sont des choses qui se vivent, mais ne se disent pas. C’est le mythe contre la réalité, l’exclusivité contre la préférence, l’extrême irréalisable contre un entre-deux difficile à réaliser. La promiscuité d’abord désirée et appréciée puis tant bien que mal supportée n’apportera, au bout d’un certain temps, que des désagréments : lassitude, et parfois sensation d’être espionné·e : « Tu m’étouffes, je ne peux pas faire un pas sans que tu me demandes où je suis et ce que je fais ». On finit par s’appeler cinquante fois par jour pour se rassurer et non pas par amour, sous couvert de divers prétextes : « Je me fais du souci pour lui·elle, c’est pour ça que je l’appelle »
C’est bien plus la jalousie que le souci de l’autre qui guide ce comportement. Si certains font de la jalousie une preuve d’amour, c’est uniquement pour ennoblir ce sentiment, pour justifier un contrôle totalitaire de l’un par l’autre, voire rendre légitime un crime commis en son nom. Crime passionnel, dit-on. Qui pense sincèrement que l’assassinat d’une personne au nom de l’amour soit une preuve d’amour ? La personne jalouse souffre d’une immense dévalorisation et d’une image de soi dépréciée. Elle camoufle son désir de s’approprier l’autre derrière des mensonges tels que : « Tu dois me dire toute la vérité sinon c’est que tu ne m’aimes pas ». Et quand l’infidélité est découverte ou avouée, elle va surtout chercher à savoir « avec qui » cela a eu lieu et ce que la personne a « de plus » qu’elle-même ? ».
Or il n’y a pas de plus ou de moins, mais tout simplement un espace où le nouveau, l’étrange et l’imprévisible l’emportent sur l’ennui et la routine du couple.