1 + 1 = 1 dans l’idéal amour-passion, c’est la fusion amoureuse héritée de nos rêves les plus fous. La fusion de deux individus en un seul perdure difficilement. Et si elle perdure, quel est celui ou celle qui s’efface ou se soumet pour laisser la place et ne former qu’un ?
1 + 1 = 2 dans l’idéal mathématique, une évidence dans les chiffres. Et dans le couple ? Est-ce significatif d’une réalité ? ou est-ce incomplet ?
1 + 1 = 3 dans le projet amour-raison, le 3 représente la construction d’un lien, un entre-deux, fruit du dialogue et de la communication.
La gestion de l’entre-deux que forme le couple ne relève pas d’une compétence innée. Elle résulte d’un travail, d’une réflexion et d’une action à deux : « entre-prendre ». Le couple est une «entre-prise» qui se crée à partir de deux autonomies, deux personnes conscientes de la nécessité d’échanger pour mettre en place une organisation conjugale et familiale.
L’opération 1 + 1 respecte 2 autonomies qui évoluent à leur propre rythme + 1 : le lien porteur du projet du couple et de sa gestion.
Dans le cadre d’une thérapie de couple, le lien ou entre-deux devient nécessairement le bouc émissaire de la mésentente. Quand chacun.e fait peser sur l’autre la responsabilité d’une discorde, il parait plus judicieux de renvoyer la charge sur le lien.
Trois effets positifs : déculpabilisation individuelle
amélioration des échanges interpersonnels
travail en équipe dans un souci d’équité
La thérapie de couple fait vivre le lien.
« Tout fout l’camp ! »
Les causes du malaise actuel du couple seraient pour les pessimistes et les angoissés du progrès l’effet d’une décadence contemporaine, pour les nostalgiques de la tradition une perte de repères, pour les moralisateurs une trop grande liberté et une quête sans limites du plaisir, pour les accros de la culpabilisation un passé individuel houleux et traumatisant, enfin pour les sexistes une incompatibilité homme/femme indéfectible.
Je crois plutôt que nous avons tout simplement échoué dans notre manière de concevoir un couple « naturel », de la même façon que nous échouerions si nous voulions jouer une partition de Bach « naturellement » au piano, sans jamais avoir appris à jouer de cet instrument.
Vers une IA ( Innovation Attitude ) dans la vie de couple
Pour faire écho à la citation de Boris Cyrulnik, je dirais que le couple dans la durée est un « événement 100 % culturel sur un fait sociétal soi-disant naturel ». La question que pose Simone de Beauvoir dans « Le deuxième sexe » me paraît essentielle : « … ni les hommes ni les femmes ne sont aujourd’hui satisfaits les uns des autres. Mais la question est de savoir si c’est une malédiction originelle qui les condamne à s’entre-déchirer ou si les conflits qui les opposent n’expriment qu’un moment transitoire de l’histoire humaine. »
Étant donné que la malédiction est peu probable, sauf pour les défaitistes et les superstitieux, j’opterais plutôt pour « un moment transitoire de l’histoire humaine », dont nous sommes acteurs et actrices. Mettons-nous au travail dès aujourd’hui et construisons une vie de couple à l’image d’une métamorphose contemporaine de l’être humain et de ses découvertes.
Séduire ou extraire le couple de la morosité …
C’est réunir les conditions les plus proches de celles qui existaient quand nous nous sommes rencontrés.es, être tous les deux seuls au monde.
La séduction est un art qui s’apprend au contact de nos deux manières différentes de susciter désir et plaisir. Elle est une invitation à la fête des sens et des émotions. Initiatives et échanges sont vécus chaque fois d’une façon différente. La personne que l’on veut séduire exprime par un regard, un geste, une parole, son désir de poursuivre ou pas une conversation sensuelle. Si c’est « oui », le couple peut s’abandonner dans un lâcher-prise où la conscience de l’environnement et le contrôle de la réalité s’estompent progressivement.
Dans le couple dans la durée,
la séduction se déclenche et se manipule avec prudence, diplomatie, gentillesse et délicatesse, le tout assaisonné de coquinerie, mais pas trop pour ne pas effaroucher. Celui ou celle qui désire séduire, ne doit pas attendre une réponse toujours positive, soi-disant au nom de l’Amour et parce que nous vivrions ensemble : « A la façon dont il elle vient vers moi, je sais ce que ça veut dire et comment ça va se terminer ». Attendons-nous à d’avantages de refus que d’acceptations. C’est à cette seule condition que le « oui » et une réciprocité sensuelle et émotionnelle authentiques seront possibles.
Je l’aime mais je ne le la désire plus spontanément
… au début ça marchait ensemble »
Dans la majorité des couples, au tout début de la relation, la passion partagée se traduisait par une similarité des réactions sexuelles dans la spontanéité. Après quelque temps de vie commune cette spontanéité simultanée va peu à peu disparaître et faire place à un décalage de ressenti et d’action.
Cela n’est pas dû à un manque d’amour mais à une différenciation des attentes au plan émotionnel et au plan sexuel. Nous vivons ensemble, nous nous voyons tous les jours, nous partageons les soucis du quotidien. A contrario, nous évoluons individuellement de par nos professions différentes, nos activités différentes, nos pensées différentes. La façon d’aborder et d’engager une relation sexuelle sera elle aussi différente. Si l’amour est toujours présent, néanmoins, il ne sera pas suffisant pour provoquer un désir sexuel similaire et simultané.
« Je peux le la séduire à nouveau ? »
A condition de consentir à une séduction réfléchie, calculée, préméditée. Avec le souci de plaire, de faire plaisir, de surprendre, de charmer, de jouer. Faire en sorte de nous extraire ensemble, de temps en temps, d’un quotidien lourd et ennuyeux. Détourner l’attention. Renouveler une séduction qui n’est jamais acquise définitivement. Un de mes patients me fit cette remarque : « Alors, encore du boulot ! », réponse « Oui ».
« N’y a-t-il pas de désir ardent et spontané réciproque dans la durée ? »
Non, mis à part quelques exceptions liées à des circonstances émotionnelles exceptionnelles, lors d’évènements tragiques ou euphorisants. Arrêtons de penser la sexualité avec l’unique repère de l’amour-passion. Réflexion, patience et délicatesse sont les mots qui se rapprochent le plus de la réalité d’une sexualité dans le couple qui dure.
De façon générale l’homme reproche à la femme son manque de spontanéité et la femme reproche à l’homme son manque de retenue. On pourrait croire que ce constat ne vaut que pour les couples de sexe différent alors que ces reproches sont exprimés de façon similaire chez les couples homosexuels. Ce n’est donc pas la différence des sexes qui est en jeu mais la durée de la relation, la routine, la différence de personnalité et une évidente relation de pouvoir qui s’exprime subtilement et inexorablement dans l’intimité du couple.
La vie de couple : comme un écheveau de sentiments, assemblage compliqué d’émotions et de comportements liés entre eux par un attachement amoureux dans lequel seules la communication et la tolérance pourront réconcilier et harmoniser les différences de ressenti.
Dans la passion réciproque, faire l’amour … c’est un peu toujours le même échange.
Dans la durée du couple on confectionne un érotisme toujours différent.
