Quand on atteint une certaine stabilité et que la passion n’est plus là, le couple s’ennuie. Le confort, la sécurité, refoulent l’élan amoureux dans un puits sans fond d’ennui et de mélancolie. J’entends souvent : « Nous avons tout pour être heureux… mais nous ne le sommes pas ».
Quel est ce TOUT dont ils parlent ? S’agit-il d’un mélange de stabilité, de sécurité et de confort matériel ? La sécurité et la stabilité anesthésient l’amour et le désir. Je vois les maisons se construire et les couples se déconstruire à la même vitesse.
Quand la maison est terminée nous sommes déjà vieux. Nous sommes épuisés, nous ne jouons plus, nous ne nous parlons même plus. Nous ne faisons plus attention l’un à l’autre.
Quelque chose a disparu, de précieux, d’unique, de passionnant : la curiosité vers soi et vers l’autre.
Un été en paroles
Prenons-nous le temps de nous asseoir ? Prenons-nous le temps de nous parler l’un à côté de l’autre ou l’un en face de l’autre, autour d’une table, installés confortablement ? Laissons à la parole le temps et l’espace qu’elle mérite parce qu’elle est le lien entre nos deux intelligences. S’inviter sous le même toit pour marquer ainsi l’importance de la présence de chacun-e ici et maintenant, dans la même maison.
Fin d’un été : vacances ou travail, peut-être changement de rythme, changement de lieu, lâcher-prise ou non, ressentis différents, contentement ou déception, remise en forme ou fatigue, distractions ou ordinaire. Nous pourrions parler de ce que nous avons vécu même si nous l’avons vécu ensemble. Nous n’avons sûrement pas ressenti les mêmes choses en même temps. Nous aurons des émotions et des mots différents devant le même coucher de soleil.
Il est fréquent que l’on confonde émotion et opinion, surtout dans le couple. On peut discuter sur une opinion et ne pas avoir le même avis. L’émotion est intouchable, on ne peut ni la changer, ni la juger, ni la remettre en question. Elle est. Des émotions différentes peuvent provoquer des conflits dans le couple car chacun-e voudra avoir raison pour quelque chose qui n’est pas de l’ordre du raisonnable mais du ressenti. Combien de souffrances et de conflits seraient évités si on pouvait écouter l’autre dans ses émotions sans les comparer aux nôtres !
« Que c’est beau ! », « Non, je ne suis pas d’accord ! »… et ça commence !
Ne pas laisser l’été sans paroles.
Le « lien » du couple
Nous ne pouvons pas changer les personnes mais la nature du lien qui les unit. Le lien du couple n’est pas inné, il s’acquiert.
Nous sommes perpétuellement en quête de sens dans l’entreprise du couple. Les récits de vie à deux sont à la fois semblables et différents. Semblables par les coutumes et la transmission des habitudes et différents parce que chaque individu qui compose le couple est unique.
Être un être humain est de l’ordre de la nature, être unique est de l’ordre de la nature, être un couple est de l’ordre de la culture.
Dans le cadre de mon exercice professionnel et en ma qualité d’être humain, je nous invite hommes et femmes à vaincre notre crainte face à la quête d’apprivoisement et de connaissance de soi, à l’exploration de notre propre fonctionnement relationnel et à la fabrication difficile mais passionnante d’un nouveau lien du couple, un entre-deux à redécouvrir et à rénover. Cette recherche tient compte de notre héritage culturel mais se fabrique ici aujourd’hui et maintenant dans le contexte sociétal actuel.
Nul n’est condamné à trainer derrière soi les acquis du passé.
Je propose un cheminement dans le devenir de soi et du lien du couple.
« Nous ne communiquons plus ! »
« Nous ne communiquons plus… » Cette phrase revient inlassablement chez l’homme et la femme qui viennent en couple chercher de l’aide.
La communication dans la couple n’est pas systématique ni naturelle. La communication émotionnelle est un art qui s’apprivoise et qui s’apprend. Abordons cet art avec curiosité, intérêt, fantaisie, assiduité, pugnacité, plaisir de découvrir, d’entreprendre, et surtout, esprit d’aventure.
Quand nous prenons le risque de communiquer nos émotions nous prenons le chemin de n’être pas entendu-e ou compris-e et la réciproque est aussi vraie. Dire ce que je ressens et se sentir entendu-e, écouté-e est au centre du lien du couple. L’amour n’est pas suffisant pour affronter les conditions de promiscuité et de routine qui sont celles de la vie de couple. La communication émotionnelle peut, seule, compenser les aléas du lien amoureux. Parler et écouter, prêter attention à ce que je dis de moi et à ce que tu dis de toi. Nous sommes l’un en face de l’autre et nous donnons une attention particulière à l’entre-deux affectif.
L’individu a besoin de mettre des mots sur les moments de son évolution personnelle afin que le couple intègre l’originalité, la particularité de chacun-e. Cette communication émotionnelle participe à la fabrication sans cesse renouvelée du lien du couple et construit son cheminement dans la durée. L’évolution individuelle est souvent incompatible avec les résolutions et les impératifs de la durée. À l’encontre de cette incompatibilité je propose d’associer un travail d’adaptation entre « l’égoïsme positif » et les intérêts du lien du couple.
Parler de soi et écouter l’autre parler de soi rejoint cette expression déjà citée dans des articles précédents : « S’inviter sous le même toit », s’assoir, s’installer, s’arrêter, se rendre disponible et accueillir la parole de l’autre.
L’amour n’est pas suffisant en tant que ciment du couple
À la fin du XIXe siècle, l’amour devient la raison majeure du mariage. Nous avons espéré que les couples se formeraient autour du sentiment amoureux, ils ne souffriraient plus, ils dureraient plus longtemps dans une sérénité garantie par cette nouvelle forme. Or, regardons aujourd’hui la situation : des séparations en grand nombre autour de nous. Des séparations difficiles où chacun et chacune souffre et se bat pour récupérer une confiance en soi et une valorisation mises à mal par la déception et la frustration d’une rupture aussi inattendue que destructrice. On pensait en effet , au moment de la rencontre et pendant cette période de passion amoureuse (de 2h à 2 ans), qu’on s’aimerait très fort et toute la vie.
Après la passion : l’action
Si on veut que le ciment tienne, il ne faut pas laisser l’amour s’effilocher dans la routine de la vie de couple. Passer de la passion à l’action est un art qui mérite toute notre attention, tout notre pouvoir de remise en question individuelle et de préparation à une nouvelle étape de sa vie personnelle et de la vie de couple.
Remise en question individuelle
Nous allons essayer de concevoir que la passion ne dure pas et que ce n’est pas une raison pour « jeter l’autre comme un kleenex » quand on s’aime moins. Nous allons essayer de mettre en place une nouvelle stratégie sur 2 plans:
Sur le plan individuel
L’individu ne doit pas s’effacer pour ne faire qu’un avec l’autre mais faire en sorte d’être un plus pour l’autre. Effacer une partie de soi ou la moitié de soi pour que l’autre existe est une erreur que les générations passées ont payé très cher. Dans les rôles d’avant, en gros, la femme sacrifiait sa créativité, l’homme sacrifiait son affectivité. Il n’est plus possible aujourd’hui de demander ces sacrifices au nom de la survie du couple. Et puis, de toute façon, cela n’a pas fonctionné.
Devenir un plus, c’est devenir soi-même : apprendre, connaître, découvrir, faire, être, créer, s’enrichir de tous les apprentissages à notre portée, cultiver ses propres capacités, s’affirmer, se faire confiance, ne pas avoir peur de la solitude, ne pas avoir peur des échecs qui accompagnent nos pensées et nos actes, ne pas être dans l’utopie de super man ou super woman, bref être un être humain, être soi.
Sur le plan du lien du couple
Le lien du couple est cet endroit invisible, immatériel, cet espace entre les deux personnes, ces actions communes, ces conversations où l’échange se dit, se déroule. Le lien, c’est ce que nous mettons en commun, que nous allons partager. Le lien est ce qui nous reste de la passion du début. Mais même les façons de vivre ce lien seront différentes pour chacune des personnes. Rien ne sera similaire, rien ne se fera simultanément, rien ne sera deviné par l’autre. Il faudra parler pour se faire comprendre. Nous ne parlerons plus alors de magie. La communication entre les deux protagonistes sera la condition du passage de la passion à l’action. Elle est l’élément essentiel constitutif du ciment du couple.
Remise en question du couple
Ensemble ne signifie ni identique ni égal. Il signifie complémentaire, chacun son tour, chacun ses capacités, chacun son originalité et son authenticité. Les rôles ne sont pas prédéterminés, ni apparentés au sexe de chacun. L’homme et la femme présentent des différences ? Bien évidemment, mais ce ne sont pas ces différences, basées essentiellement sur le sexe, qui les empêchent de vivre en couple. Ces différences sont décrites en long en large et en travers dans toute une littérature aussi hétérogène et massive que, trop souvent, simplificatrice.
Ils sont différents comme peuvent l’être deux êtres humains : deux femmes ou deux hommes. Ce ne sont pas leurs différences qui les empêchent d’avancer mais leurs attentes utopiques et dévastatrices. C’est pour cela que, en tant que « couplologue » je voudrais tenter de désexualiser le discours sur le couple et le couple lui-même dans notre approche professionnelle.
Parler d’autonomie, de maturité, d’évolution individuelle, d’aspirations personnelles, de cohabitation ou de hors cohabitation, bref de différenciation et de reconnaissance de la diversité et de l’originalité de chacun. Parler de mise en commun d’éléments choisis par l’un et par l’autre en fonction de leurs désirs particuliers, différents et respectés.
Le couple est à voir autrement, dans une définition qui inclurait la complémentarité et le respect du désir de chacun d’exister pour soi-même, et ce faisant, être un plus pour l’autre.
Prochain article : Le « prendre » et le « donner ».